Jour 51 : mercredi 10/08/2016

Après avoir passé une excellente nuit à la station de ski, nous quittons Churchill Falls en fin de matinée et reprenons la route 500 pour 290 km jusqu'à Happy Valley Goose Bay, la grosse ville du centre du Labrador, et la région du Nunatsiavut, terre des Inuits.

Sur la route, rien ne change. Toujours des forêts et des rivières à perte de vue, que nous prenons toujours plaisir à observer.
À environ 80 km de l'arrivée, nous prenons un petit nid de poule sur la route, qui secoue un peu la voiture.
À priori, rien de bien méchant sauf que 5 minutes après avoir pris ce trou, les voyants de freins et de l’ABS se mettent à clignoter et les aiguilles du compte tour et de la jauge du réservoir à bouger dans tous les sens.
Ça n'empêche pas la voiture de rouler mais tout de même ça nous inquiète !
Nous aimerions ne pas utiliser le téléphone satellite et crier à l'aide au beau milieu de nulle part…

Une fois arrivés sans encombre, nous allons aussitôt trouver un garage pour faire vérifier la voiture.
Au premier coup d'œil, la ville ne m'inspire pas mais je ne saurais expliquer pourquoi… Du coup, mon pif ne me trahissant que très rarement, je reste sur mes gardes quant à une éventuelle réparation, tandis que Guigui préfère ne pas envisager un scénario catastrophe et attendre de voir comment le mécano va gérer la situation.
Là, c'est un beau bébé qui vient s'occuper de notre titinne. Le mec fait deux fois la taille de Guigui, en long comme en large 🙂.

Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue

Ce mécano à l'accent très difficile à comprendre pour Guigui (donc autant vous dire que moi j'ai rien pigé), regarde sous le capot et nous rassure aussitôt en nous signalant une simple déconnexion de la batterie.
Un coup de clé pour revisser l'écrou en train de partir et le tour est joué.
Et nous n'avons rien à payer nous dit ce gentil mécanicien 🙂.

A la suite de cette mésaventure sans gravité, nous nous rendons, sous les conseils du bureau du gouvernement du Nunatsiavut, au port de Happy Valley Goose Bay afin d'obtenir des renseignements au sujet du parc national des Monts Torngats.

Les Monts Torngats c'est ça : un morceau de nature bien sauvage, situé tout à la Pointe nord du Labrador.
Des paysages à couper le souffle, une faune des plus fascinantes avec ses caribous et ses ours polaires entre autres, mais aussi et surtout le Mont Caubvick, situé à la frontière avec le Québec. Côté Québec, on l'appelle le mont d’Iberville.
Il est le point culminant du Québec et du Labrador avec ses 1652 mètres d'altitude.
Les photographies de cette chaîne des Monts Torngats nous laissent rêveur et nous espérons vraiment pouvoir nous y rendre.
Mais visiblement ce n'est pas gagné…

Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue

Malheureusement, la nana du port n'a pas d'informations précises à nous donner. Elle sait juste que c'est très cher d'explorer le parc et nous renvoie vers une adresse mail à contacter pour de plus amples informations.
Autrement, pour avoir des infos, il faut se rendre au village de Nain, accessible uniquement par bateau, là encore assez cher.
C'est bien gentil tout ça mais si une fois au village, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas nous offrir le périple aux Monts Torngats, on fait quoi ?

Quand elle dit que le séjour au parc national coûte cher, ce serait de l'ordre de 5000$ quand même, et pour un séjour de 3-4 jours seulement !
Nous trouvons ça vraiment bizarre que personne ici ne soit capable de nous renseigner d'une part, et qu'un parc géré par l'organisation Parcs Canada, soit aussi coûteux !
Du coup, nous cherchons un peu sur internet en attendant d'obtenir une réponse de notre contact mail.

Et en fouillant un peu sur le site, nous obtenons les informations.
Effectivement, il faut être blindé de thunes pour aller explorer la chaîne des Monts Torngats.
Pour un séjour de 4 jours seulement, cela comprenant uniquement le transport aller-retour depuis Happy Valley Goose Bay et l'accompagnement d'un garde armé inuit en cas d'attaque d'ours, nous reviendrait à 7000$ chacun (4750€), auxquels il nous faudra rajouter un peu plus de 1000$ de taxes chacun.
À ce prix-là, nous ferons du camping sauvage avec notre propre tente et devrons prévoir nos repas.

C'est précisément à cet instant que nous prenons conscience que l'on ne débarque pas par hasard aux Monts Torngats. C'est un voyage qui se prépare à l'avance et qui coûte cher.
Et bien que les Monts Torngats fassent partie des Parcs Canada, ce sont quand même les Inuits qui ont le monopole sur leur région et qui visiblement décident des tarifs à appliquer.
Mais pourquoi fixer des prix aussi élevés ?
Nous ne le savons pas mais émettons quelques hypothèses…
Soit ils ne maîtrisent pas encore bien le parc et le tourisme que cela peut apporter, le parc étant visiblement récent.
Soit ils choisissent délibérément de s'en mettre plein les poches et de garder le contrôle sur leur territoire.
Ou alors, au contraire, ils fixent des prix très élevés pour effrayer les touristes (et ça marche bien, la preuve !).
C'est peut-être juste un moyen pour qu'on les laisse tranquille.
Et après tout, ils ont peut-être raison, même si nous aimerions beaucoup découvrir leurs terres.
Enfin notre dernière hypothèse serait que la vie leur coûte vraiment très cher en ravitaillement, les villages étant reculés de tout et accessibles qu'en bateau ou avion en été (l'hiver ils traversent les forêts à motoneige).
Mais selon nous, cela ne justifie pas des prix aussi exorbitants.

Bref, nous faisons une croix sur notre trek dans la chaîne des Monts Torngats et à défaut d'aller randonner à la découverte de leurs somptueux paysages, nous nous informons sur la traversée en bateau qui nous conduirait aux différents villages de la côte nord du Labrador, accessibles uniquement par voie maritime ou par avion. Aucune route ne mène à ces contrées reculées.
Et bien là aussi, il va nous falloir vendre un rein si nous voulons découvrir ces villages.
Il faut 2 jours ½ de bateau pour aller de Happy Valley Goose Bay jusqu'au village de Nain, le village le plus au nord, pour la modique somme de 310$ (210€) pour 2 personnes auxquels il faut rajouter 335$ (230€) pour la cabine, soit près de 650$ (440€) pour le voyage aller !
Idem pour le retour et nous en sommes à 1300$, sans compter les repas.
Certes, le bateau s'arrête aux différents villages qui longent la côte mais pour une durée de 1h30 à 2h seulement pour chaque, donc nous n'aurons pas le temps de visiter et surtout de nous imprégner du village.

Toutefois, si nous souhaitons rester plus longtemps dans un village, c'est tout à fait possible et envisageable mais il n'est pas certain que nous puissions camper sur place.
La chambre d'hôtel avoisinant les 150$ (100€), les repas toujours pas comptabilisés, le séjour risque de nous coûter très très cher.
D'autant que si nous décidons de nous arrêter à un village, nous n'avons pas le choix dans la date de retour. C'est soit nous repartons 2h plus tard pour le village suivant plus au nord, ce qui n'a aucun intérêt selon nous, soit nous repartons 5 jours plus tard pour Happy Valley Goose Bay, voire même 7 jours plus tard pour le village situé sur la côte sud de Happy Valley Goose Bay, le bateau n'effectuant la traversée qu'une fois par semaine, dans un sens comme dans l'autre.
Bref, cela ne nous dérange pas tant de rester “coincés” dans un village plusieurs jours, au contraire car nous pensons qu'il nous permettra de mieux comprendre les populations inuits et leur façon de vivre.
Selon nous, c'est en se posant un long moment à un endroit que l'on peut mieux s'imprégner de la vie locale.
Sauf que s'il nous est impossible de camper sur place, nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser près de 2500$ (1700€) en si peu de temps, sans oublier que le camping sauvage est peut-être mal vu dans les villages, les populations locales pouvant nous reprocher de ne pas participer à leur économie…
Bref, nous avons beau chercher des moyens plus économiques d'explorer le nord de la province, nous ne trouvons pas de solution, et c'est donc déçus que nous nous rendons à l'évidence : il est impossible de voyager au nord du Labrador et d'aller à la rencontre des populations locales sans rentrer dans un tourisme très coûteux.
Cette déception nous rappelle celle que nous avions eue lorsque nous avions décidé de ne pas voyager au Tibet, région sous le contrôle des chinois et de surcroît, impossible à explorer hors des sentiers battus.

Tant pis ! Il est évident que nous ne pouvons pas tout voir sur notre si jolie planète alors comme le Tibet, les Monts Torngats resteront parmi nos rêves inassouvis.
Il y a tant d'autres merveilles à voir, et d'autres populations à rencontrer ! 🙂

Pour nous réconforter, nous nous offrons un coup à boire dans un bar et allons ensuite nous installer à notre campement pour la nuit, au bord d'un lac situé à 20 km à la sortie de la ville.
C'est un ancien camping abandonné aujourd'hui ouvert à tout le monde et complètement gratuit.
Nous ne sommes pas les seuls sur le terrain, d'autres camping-car se sont installés mais il y a suffisamment de place pour nous tous.
Nous nous trouvons un petit coin tranquille et préparons notre souper.

Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue

Et puis, au cours de la soirée, nous faisons la connaissance de Simon, un québécois qui vient de finir une mission Médecins Sans Frontière en Inde et qui voyage pour un bon mois et pour la première fois à bord de sa moto, à travers la province de Terre-Neuve et Labrador.
Nous passons une bonne partie de la soirée en sa compagnie, à discuter de tout et de rien.
Très sympa, il nous invite à le contacter si nous passons par la ville de Québec. Il pourrait nous aider à trouver du boulot car il a pas mal de contacts 😉.

 

Jour 52 : jeudi 11/08/2016

C'est sous un superbe et chaleureux soleil que nous nous réveillons ce matin. Ah ! Ça fait du bien ! 🙂

Petit déj en face du lac, posés sur nos deux chaises tels un papi et une mamie, en train de contempler le paysage. Ah ce qu'on est bien là !

Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue

En fin de matinée, nous nous rendons à North West River à 20 km de notre campement.
Au départ, nous voulions voir le Labrador Heritage Museum, censé être gratuit selon notre guide datant de 2015-2016, mais qui visiblement ne l'est plus.
Certes ce n'est pas cher, seulement 3$ sans les taxes mais bon, c'est lourd de devoir payer pour tout, d'autant que le tarif ne semble pas très réglementaire quand on regarde l'affichage écrit à la main sur un bout de papier. On y voit même un prix à 2$ barré manuellement et remplacé par les 3$. Si chacun fait les prix qu'il veut aussi…!

Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue

Bref, quelques photos des alentours toutefois forts sympathiques et nous filons visiter le centre d'interprétation qui lui, est vraiment gratuit et très intéressant.
Il raconte l'histoire du Labrador et de ses populations, la différence entre les Inuits et les innus, l'arrivée des colons, etc…
Un site vraiment bien fait et intéressant.

Pour commencer, les Inuits sont les descendants du peuple arctique appelé également les Esquimaux. Leur particularité est de maîtriser la vie marine et la pêche à la baleine notamment.
Ils sont également hyper résistants aux conditions climatiques très rudes de l'hiver.
Aujourd'hui, il existe une communauté de 4500 Inuits répartis sur la côte nord du Labrador, et qui vivent encore selon leurs traditions ancestrales.

Les Innus, eux, issus de population amérindienne se démarquent davantage par leur vie de chasseurs en forêt.
Eux aussi sont résistants aux rudes hivers.
Parmi les 13 communautés innues encore existantes, seulement deux vivent au Labrador, l'une près de North West River où nous étions plus tôt ce matin, l'autre sur la côte nord du Labrador, non loin des villages inuits.
Les onze autres communautés sont répartis au Québec, principalement dans la région du Nunavik, ainsi que dans la province du Nunavut. Bref, ils sont tous au nord, près du cercle polaire arctique, là où ça caille bien 😉.

Et l'arrivée des colons a créé une communauté que l'on nomme les Métis.
Eux sont les descendants des pêcheurs, chasseurs et commerçants anglais, irlandais, écossais et français, venus marier les femmes inuits lors de leur exploration du Labrador dans les années 1700 et 1800.
Aujourd'hui, les populations dites Métis au nombre de 5000 environ, vivent un peu partout à travers le Labrador, notamment à Happy Valley Goose Bay, Labrador City, Wabush et Churchill Falls où nous étions ces derniers jours.
Beaucoup d'entre eux continuent de vivre des ressources de la pêche, de la chasse et du commerce, transmises par leurs ancêtres.

De belles expositions qui expliquent la vie de ces peuples autochtones.

Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue
Canada : Celui qui voulait se rendre en terre inconnue

Maintenant que nous en savons plus sur les peuples autochtones, nous quittons le village et retournons à Happy Valley Goose Bay nous restaurer et étudier la carte du Labrador.
Il y a une autre destination que nous aurions aimé visiter pour la beauté de ses paysages. C'est Battle Harbour, une île située à 1h de traversée en bateau depuis la côte mais sans voiture.
Pour aller sur le bateau, il faut impérativement réserver la nuit en cabine et ça coûte 500$ pour deux (340€), pour un trajet aller-retour (2h de traversée en tout), une nuit à quai en cabine, la visite guidée et 3 repas chacun.
Un peu trop cher pour nous d'une part, mais surtout nous n'aimons pas les tours organisés et préférons toujours voyager par nous-mêmes en autonomie.
Alors puisqu'il n'y a pas moyen de découvrir l'île de Battle Harbour autrement que par l'organisation du gouvernement, nous oublions cette destination.
C'est quand même spécial le voyage au Labrador…

En fin de journée, nous retournons à notre campement d'hier soir, au bord du lac. Et là nous sommes tous seuls.
Même pas un ours pour nous tenir compagnie… 🙂.

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