Canada - Celui qui pagayait sur la Yukon River (partie 1)
28 juin 2018Jour 399 : mercredi 26/07/2017
1er jour de canoë
30 kms parcourus
4h de navigation
Levés vers 9h ce matin, nous avons encore plein de choses à faire avant de partir naviguer sur la Yukon River pour plusieurs jours.
Tout l'équipement que nous avons emprunté à Max et Miléna est avec nous, le canoë sur la voiture, le reste dedans, bref, un vrai bordel dans notre maison mobile...
Mais nous sommes vraiment excités à l'idée de vivre une telle aventure .
15h30, nous ne sommes pas en avance mais fin prêts à partir.
Nous grimpons dans le canoë et quittons Whitehorse. C'est parti pour une virée de deux semaines à bord du bateau.
Nous décidons d'un commun accord que Guigui sera notre gouvernail. Il se place donc à l'arrière du canoë pour le diriger, tandis que je m’installe à l'avant du bateau.
Hissez ho moussaillon ! Destination Dawson, à environ 715 km de pagaie.
Retour prévu le 12 août pour rendre le matériel à Max et Miléna qui partent deux jours après avec des clients pour effectuer ce même voyage.
Ça nous laisse 16 jours et demi pour descendre la rivière. Nous devrions être bons
Vu l'heure tardive à laquelle nous commençons ce périple, nous visons une première étape à Takhini River.
En effet, Max semblait dire que ça prenait déjà quatre heures pour s'y rendre.
Mais il faut croire que nous soyons très bons, ou qu'il se soit trompé, ou que je l'ai mal compris, car en seulement deux heures, nous arrivons à la jonction entre la Yukon River et la Takhini River.
D'ailleurs, il était temps de savoir où nous étions car un peu plus et nous remontions la Takhini River au lieu de suivre la Yukon River, et donc notre parcours. Ça nous aurait bien fait travailler nos bras, dès le début du périple.
Guigui : “attends un peu Puce, arrête de pagayer deux secondes. Je crois qu'on ne va pas dans la bonne direction. Là, ça ressemble au pont qui se trouve au-dessus de la Takhini River. Ce qui veut dire qu'on serait déjà arrivé à Takhini ? Faut qu'on retourne sur la droite. T’es sûre que Max a dit que ça prenait quatre heures ?”
Moi : “bah oui, je suis quasiment sûre qu'il m'a dit quatre heures pour ste portion. Merde, on est en train de pagayer à contre courant. Laisse tomber l'effort que ça demande !”
Après quelques coups de pagaie bien musclés, nous finissons par retrouver le courant de la Yukon River. Ouf ! Nous l'avons échappé belle…
C'est quand même cool de se retrouver absolument tout seul sur la rivière .
Enfin, tout seul, pas toujours.
Nous nous faisons doubler par deux nanas visiblement en plein forme à en croire leur rythme. De véritables machines à pagayer, super synchro et avec en plus une aisance incroyable pour parler pendant l'effort ! Elles s'entraînent pour la Yukon River Quest, la grande course de canoë sur cette rivière, de Whitehorse à Dawson.
Certains la font en paddle !
Pas question pour nous de faire la course. Nous préférons prendre notre temps et observer les paysages ainsi que la faune, et apprécier le silence qui règne sur cette rivière.
Et nous faisons bien car nous apercevons deux aigles à tête blanche, dont un en plein vol
Soudain, je me rends compte que dans la précipitation de nos préparatifs, nous avons totalement oublié d'acheter une canne à pêche et un permis de pêche. Mince ! Nous qui voulions expérimenter de nouveau la pêche et tenter de manger du poisson frais pêché par nos soins. C'est raté...
19h30, cela fait quatre heures que nous naviguons. Nous accostons sur une petite plage à Upper Laberge, juste un peu avant l'entrée du Lac Laberge.
Nous avons effectué 30 kilomètres aujourd'hui. Malgré un départ assez tardif de Whitehorse, nous sommes plutôt satisfaits, d'autant plus que cela nous fait gagner une étape par rapport au programme que l'on s'est plus ou moins fait. En effet, nous pensions nous arrêter à Takhini pour la nuit.
Tandis que Guigui se charge d'installer notre campement, je commence à préparer le souper.
Petit problème : je ne trouve pas le réchaud ! Peut-être ai-je mal cherché...
Dans le doute, je demande à Guigui s'il se souvient où il a rangé ce réchaud.
Guigui : “oui, il est dans le baril avec la bouffe”.
Uh uh ! J'ai beau fouillé dans les deux barils et dans tous les sacs, je n'arrive pas à mettre la main sur ce fichu réchaud.
Là je pense : “nan ! Il n'aurait pas fait ça quand même ! Il n'aurait pas oublié le réchaud ?!!! C'est genre l'un des trucs les plus importants si on veut manger…”.
Je ne me fâche pas, je me contiens .
Malgré tout, le réchaud est nulle part et a bien été oublié dans notre van, donc à priori, notre voyage en canoë devrait prendre fin ce soir car sans réchaud, il nous est impossible de faire chauffer de l'eau et donc de nous préparer à manger. Nous ne sommes pas non plus des Robinson Crusoé...
Toutefois, je jette un œil sur mon téléphone et regarde à tout hasard si je reçois du réseau. Par chance, j'en ai !
Immédiatement, je contacte Arthur pour lui expliquer notre situation et aussitôt, gentil comme il est, il se propose de venir avec Marie-Claude pour nous apporter son propre réchaud.
Je n'en reviens pas qu'ils veuillent faire tout ce trajet (environ 30 minutes en voiture) juste pour nous donner un réchaud !
Nous lui indiquons notre position. Nous sommes proches d'une petite route de terre nommée Policeman Point Road, que nous pouvons nous-mêmes retrouver par une piste de quad d'environ 1,5km.
Nous marchons donc 20 minutes et attendons qu'Arthur et Marie-Claude viennent à notre rencontre.
Les voilà, morts de rire de la mésaventure qui nous arrive .
C'est là qu'on se rend compte que sans eau ni feu, on galère dans la vie !
Enfin, comme d'habitude nous avons beaucoup de chance dans notre “malheur”. La chance d'avoir du réseau pour contacter quelqu'un et la chance d'avoir un pote comme Arthur répondant présent et toujours prêt à rendre service à son prochain.
Merci l'ami .
Tout finit bien. Nous retournons à notre camp, affamés, préparons notre repas et apaisons notre esprit en observant un superbe coucher de soleil.
Dodo à minuit
Jour 400 : jeudi 27/07/2017
2ème jour de canoë
28 km parcourus
6h de navigation
C'est parti pour notre deuxième journée de canoë, hiha !
Réveil tranquilou vers 8h30 et départ du camp à 10h15.
Préparer le canoë et fixer les barils au bateau prend pas mal de temps mine de rien.
Aujourd'hui, nous attaquons le monstre de l'expédition, le Lac Laberge.
En effet, ce lac de 52 km de long sur 7 km de large peut connaître des changements climatiques assez rapides. Des vents peuvent souffler soudainement et le lac peut passer du calme plat d'un étang à un océan de vagues.
Bien que les vents viennent du sud, ils peuvent aussi changer rapidement de direction, rendant la navigation plus difficile.
Quand nous entrons au Lac Laberge, il nous faut choisir entre naviguer à l'ouest (sur le côté gauche du lac) ou à l'est (sur le côté droit).
À gauche, le parcours est moins direct et requiert plus de coups de pagaie jusqu'à la sortie du lac, mais il est davantage fourni en emplacements de camping. En tout cas, le lac étant large de 7 km et possiblement exposé au vent, il n'est pas recommandé de revenir sur sa décision et de décider soudainement de changer de côté. Traverser le lac dans la largeur serait, selon le guide, particulièrement éprouvant et donc dangereux si la force et l'énergie venaient à manquer.
En ce qui nous concerne, nous choisissons le côté gauche car nous aimons l'idée de pouvoir accoster plus facilement et plus régulièrement sur les baies en cas de fatigue.
Nous avons un très beau temps mais également beaucoup de vent, et de surcroît beaucoup de vagues qui nous poussent sur le rivage.
La navigation est difficile, tant sur le plan physique que mental.
Notre objectif est de dépasser les pointes de roches après chaque baie mais nous subissons un vent de côté, nous poussant sur les berges. Alors nous devons souvent naviguer à contre-courant et prendre les vagues de face pour nous éloigner du rivage. Ce n'est qu’une fois suffisamment loin de la baie que nous prenons les vagues dans le dos, ce qui nous pousse et nous rapproche plus rapidement de notre objectif.
Nous avons les bras en feu (pagayer à contre-courant, c'est vraiment physique !), mais cette technique semble bien fonctionner.
Nous accostons une première fois vers midi pour une pause pipi et collation, histoire de reprendre des forces. Après 5 minutes d'arrêt, nous retournons à l'eau.
Une deuxième pause s'impose au camping du Lac Laberge. Il est 13h45. Cette fois-ci, nous nous arrêtons 45 minutes et prenons le temps de déjeuner et de nous reposer un peu.
14h30, nous repartons de plus belle avec des vagues qui se font de plus en plus grosses. Mais nous ne changeons pas notre technique qui semble nous faire si bien avancer.
Malgré la peur par moment face à ces vagues qui me semblent gigantesques (je parle surtout pour moi), nous les affrontons de face pour atteindre les prochaines baies.
L'approche des baies nous permettent de nous laisser porter et de reposer nos muscles le temps de quelques minutes, car avant d'atteindre ces baies, il nous faut fournir beaucoup d'efforts physiques.
Personnellement, j'ai les épaules, les bras et le dos en compote. Faut dire aussi que ça fait un moment que je n'ai pas travaillé ces groupes musculaires alors forcément, je le ressens aujourd'hui !
À 16h, nous faisons une troisième pause collation, et cinq minutes plus tard, nous repartons, mais cette fois-ci pour seulement une heure.
Nous sommes vraiment très fatigués physiquement et n'avons plus de force.
17h, nous accostons sur une plage et posons la tente. Nous en avons terminé pour aujourd'hui.
La journée a été difficile mais quand nous regardons le chemin parcouru sur la carte, nous sommes plutôt contents de nous.
Nous avons effectué 28 km aujourd'hui.
La plupart des gens compte généralement trois jours pour traverser le Lac Laberge, voire quatre jours selon les conditions climatiques. Encore trente kilomètres à naviguer et nous quitterons cet interminable lac pour enfin retrouver la Yukon River.
Ce serait donc une assez belle performance de traverser le lac Laberge en seulement deux jours. Et oui, nous sommes convaincus que nous pouvons effectuer les trente kilomètres restants demain .
Nous verrons bien.
Jour 401 : vendredi 28/07/2017
3ème jour de canoë
28 km parcourus
5h45 de navigation
Nous avons super mal dormi cette nuit ! D'une part parce que la tente était légèrement en pente, mais aussi parce que nous ne savions pas quelle position adopter pour dormir tant nous avions mal partout, essentiellement aux bras et aux épaules. Et comme je n'ai pas la capacité de Guigui à rester immobile sur le dos toute une nuit, préférant plutôt dormir sur le côté, je n'ai fais que me réveiller mainte et mainte fois.
Enfin, à partir de 2h du matin, il s'est mis à pleuvoir et à venter très fort.
N’entendant pas le réveil sonner à 7h, nous nous réveillons une première fois à 8h30 mais nous rendormons aussitôt jusqu'à 10h.
Il pleut toujours alors nous traînons dans la tente jusqu'à ce que la pluie cesse, vers 11h30.
Nous prenons un copieux petit déjeuner dans la tente. Dehors le vent souffle beaucoup trop fort.
13h30, bien que la météo ne nous motive pas du tout à faire quoique ce soit, nous nous décidons à partir. Profitons que la pluie ait cessé de tomber pour avancer !
À peine quittons-nous notre plage que les efforts se font déjà ressentir.
Il y a énormément de vagues ! Et des grosses !
Au bout d'une heure, je n'ai déjà plus la force de pagayer tellement je suis fatiguée et courbatue.
La journée promet d'être difficile et longue !...
Finalement, nous pagayons tant bien que mal et ne faisons qu'une première pause à 17h. Cela fait déjà trois heures et demie que nous naviguons et à priori, nous aurions parcouru une quinzaine de kilomètres.
Après 45 minutes de pause, nous reprenons la pagaie.
Cette deuxième partie de journée est encore plus difficile que la première, qui l'était déjà sans conteste.
Sur la portion que nous entreprenons aujourd'hui, il n'y a aucune baie où nous abriter ni nous reposer.
Il nous faut donc pagayer en permanence pour avancer et éviter les vagues du mieux que nous pouvons.
À mesure que nous avançons, Guigui aperçoit la sortie du lac Laberge. Elle semble proche certes, mais elle est sur le côté droit du lac alors que nous naviguons à gauche.
Vu les vagues et le vent que nous nous prenons, cela ne nous tente pas vraiment de traverser le lac dans sa largeur, à contre-courant.
20h, nous accostons sur une plage. Nous ne sommes vraiment plus très loin de la sortie du lac, seulement deux ou trois kilomètres, mais nous sommes trop épuisés pour continuer.
Nous posons la tente, enfilons des vêtements secs, les nôtres ayant été trempés par les vagues qui se sont infiltrées dans le canoë.
Nous avons de nouveau parcouru 28 km aujourd'hui, ce qui nous satisfait énormément quand on sait les conditions que nous avons dû affronter.
Nous espérons que le vent tombe d'ici demain, autrement ces quelques kilomètres qui nous séparent de la Yukon River risquent d'être longs et difficile à parcourir si nous subissons encore le vent de face et devons pagayer une nouvelle fois à contre-courant.
Jour 402 : samedi 29/07/2017
4ème jour de canoë
50 km parcourus
5h15 de navigation
Réveillés vers 8h30 ce matin, nous avons beaucoup mieux dormi, bercés par les vagues du Lac Laberge.
La bonne nouvelle de la journée est que le vent a complètement arrêté de souffler, faisant régner un calme plat sur le lac. Pas une seule vague !
Le temps de tout remballer et de manger, nous quittons cette sympathique plage à 11h10.
La météo est si différente d'il y a quelques heures qu'il nous est difficile de réaliser que nous naviguons toujours sur le lac Laberge. L'eau est tellement calme…
C'est aussi très agréable de pagayer dans ces conditions .
Ça nous prend trente minutes pour retrouver la Yukon River et nous pouvons enfin nous laisser porter par la rivière, et reposer nos muscles.
L'occasion également de contempler les paysages de forêt en bord de rivière.
La rivière coule naturellement à environ 8 à 10 km/h, ce qui nous fait bien avancer sans effort.
À chaque virage, le courant est plus rapide, nous demandant d'être plus attentifs pour les négocier.
Cela nous entraîne gentiment pour les vraies rapides qui nous attendent aux Five Fingers, un peu plus loin sur la Yukon River, la seconde grosse difficulté du périple après la traversée du Lac Laberge.
À 13h20, nous accostons pour une pause casse-croûte. Nous avons parcouru 20 km.
Comme c'est calme ici !
Comme ça nous fait du bien d'être loin de la civilisation de temps en temps !
Le camp où nous prenons notre pause déjeuner est un ancien camp de bois datant des années 20, et qui servait autrefois à ravitailler les bateaux à vapeur qui naviguaient sur la Yukon River.
14h30, nous retournons à l’eau. Il nous est très facile de repartir car il suffit de se laisser prendre par le courant.
Nous pagayons pendant trois heures durant l'après-midi, en prenant le soin d'effectuer quelques temps de pause dans le canoë.
17h30, nous accostons à Hootalinqua, un ancien village autochtone transformé en camping sauvage aménagé.
Sauvage parce qu'il n'est géré et entretenu par personne, si ce n'est les campeurs.
Et aménagé parce qu'il y a quand même à notre disposition des foyers pour faire du feu ainsi que de vieilles tables de pique-nique.
À cet endroit, nous pouvons voir quelques vestiges de l'ancien village de bord de rivière, tels que des maisons en ruines ainsi que des abris.
C'est amusant d'imaginer qu'il n'y a pas si longtemps, des peuples autochtones vivaient ici, en parfaite autonomie. Cela paraît tellement irréel à notre époque…
L'endroit semble parfait pour y passer la nuit, alors nous installons notre campement.
Guigui se charge immédiatement de nous faire un feu. Pour se faire, il sort sa toute nouvelle scie et commence à couper du bois, pas encore bien mort et donc pas tout à fait sec. Donc pas facile à brûler, mais il s'arrange comme il peut pour le faire sécher.
Cela me fait sourire de le voir si investi et motivé à nous faire un feu .
Nous ne sommes pas seuls sur le camp. Nous faisons la connaissance de deux jeunes hommes autrichiens, venus expérimenter la Yukon River en canoë pour leurs vacances.
Le bilan de la journée nous satisfait une fois de plus. Nous avons effectué 50 km aujourd'hui en 5h10 effectives (sans compter les pauses).
Dodo vers 21h30. On ne s'est jamais couché d'aussi bonne heure jusqu'à présent !
Commenter cet article