Népal : le tour des Annapurnas (3ème partie)
21 janv. 201420 octobre
Résumé de la journée
18km parcourus / 5h de marche
Vitesse moyenne de marche : 3,60km/h
Altitude de départ : 3500m à Manang
Altitude d'arrivée : 4450m à Thorong Phedi
950m de dénivelés positifs cumulés
Levés de bonne heure, nous gardons le rituel du thé au gingembre et omelette à l'ail pour le petit déjeuner pour nous préserver du mal des montagnes.
Nous partons à 7h45 sans vraiment savoir à quel village on s'arrête aujourd'hui. Le ciel est partagé entre les nuages et les éclaircies mais il ne pleut pas, c'est déjà ça.
Au début, nous croisons beaucoup de monde sur le sentier, essentiellement des porteurs mais nous réussissons très vite à les doubler pour nous retrouver seuls un peu plus loin.
En à peine 3h nous arrivons à Yak Karta, village situé à 4050m d'altitude. Il n'est pas encore 11h et le prochain village se situe à environ 1h/1h30 de marche.
Nous décidons donc de continuer la balade jusqu'à Letdar, village situé à 4200m. Nous en sommes à 600m de dénivelés.
En théorie on devrait s'arrêter ici car en haute altitude, il est conseillé de ne monter que par tranche 500 ou 600 mètres pour éviter les maux de tête et le mal des montagnes.
Mais on se sent encore en super forme et on pense que ce serait une bonne idée de pousser la balade jusqu'à Thorong Phedi, le principal point de départ pour le col Thorong La à 5400m. Ça nous ferait gagner un jour de rando.
C'est donc reparti pour environ deux heures de marche à travers de magnifiques paysages.
La fin de la balade m'est difficile car j'ai très mal à mon trapèze gauche, sûrement à cause du poids du sac, un tantinet trop lourd.
On arrive à Thorong Phedi pour 13h, nous sommes à 4450m d'altitude et nous n'avons pas mal à la tête.
Nous croisons un groupe de français cinquantenaires très sympa que l'on a baptisé Alibert Trekking et que l'on a déjà croisé plusieurs fois sur le trek.
A chaque fois qu'ils nous voient, on passe pour des grands sportifs avec nos gros sacs.
Quand on leur dit qu'on est parti ce matin de Manang, ils n'en reviennent pas. Et encore moins quand on leur dit que cela nous a pris seulement 5h.
C'est drôle car on n'a pourtant pas l'impression d'aller vite et on souffre aussi à certains passages du trek.
A Thorong Phedi, nous retrouvons aussi les trois étudiants qui nous félicitent et nous prennent pour des gros malades d'avoir effectuer une si grosse étape.
En fait, nous pensons que ce qui impressionne les gens, ce sont les 1000 mètres de dénivelés à une altitude déjà élevée.
Mais on se sent en pleine forme et la randonnée au Iced Lake nous a bien acclimatés. De plus, nous nous hydratons énormément, nous buvons deux litres d'eau chacun pendant la balade, ce qui évite les maux de tête...
A Thorong Phedi, il y a déjà pas mal de monde dans le réfectoire et on nous informe qu'il ne reste plus qu'une chambre de trois lits à 500 roupies la nuit avec toilette et salle de bain dans la chambre.
Vu l'état des toilettes en général, nous aimons autant éviter les odeurs pour dormir...
Du coup, le lodge nous propose de dormir gratuitement dans le réfectoire. Ils disent qu'on aura même plus chaud, alors on accepte.
Afin d'éviter le mal des montagnes, il est conseillé de monter jusqu'au High Camp, le lodge situé juste au dessus de Thorong Phedi à 4800m et 45 minutes de marche pour ensuite redescendre à Thorong Phedi et y passer la nuit.
Mais nous sommes un peu crevés et surtout notre chambre étant le réfectoire, nous ne voulons pas laisser nos sacs sans surveillance.
Alors nous ne faisons pas cet aller-retour jusqu'au High Camp. Nous avons confiance en nous, nous nous persuadons que tout se passera bien et nous passons l'après-midi à jouer aux cartes avec Florence, Vincent, Stefano (les trois étudiants) ainsi que Nico, un autre voyageur français et deux frères turcs très sympas.
On boit un chocolat chaud et pour affronter le mal des montagnes, on met toutes les chances de notre côté en grignotant du pain à l'ail ;-)
Dehors, il neige à petits flocons. C'est tout simplement incroyable d'être ici en plein mois d'octobre, si près de notre objectif : le col de Thorong La.
Demain, une grosse étape nous attend. Nous prévoyons de commencer la randonnée à 5h du matin à la frontale et passer le col avant midi pour ensuite redescendre jusqu'au village de Muktinath à 3800 mètres.
Du coup, vers 20h, un italien qui fait partie d'un groupe de trekkeurs commence à prendre les choses en main et à dire aux gens qu'il ne faut pas tarder à quitter le réfectoire car ceux qui dorment ici, dont lui-même, aimeraient se coucher assez tôt. Guigui et moi sommes plutôt d'accord alors nous commençons à installer notre couchage. Nous avons déjà deux bancs sur lesquels dormir mais ils sont assez minces alors on s'approche d'un groupe de dames allemandes pour leur prendre un banc supplémentaire.
On touche à peine le banc que l'italien (qui joue au p'tit chef de bande) nous saute dessus pour nous dire qu'il a déjà réservé les bancs pour lui et son groupe.
Je n'en reviens pas de cet individualisme !
Avec mon ton pas commode, je lui calme sa joie et lui fais comprendre que nous aussi on dort dans le réfectoire, qu'on est arrivé bien avant lui et qu'on prendra ce banc quoiqu'il arrive.
Il a le toupet de me répondre que si on ne prend qu'un seul banc, il n'y a pas de problème.
Nan mais pour qui il se prend ce mec ? J'hallucine !
Nico, l'autre voyageur français n'a plus de banc, il dormira donc sur une table. On lui prête un matelas de camping pour que ce soit plus confortable. Nico installe sa table près des fenêtres à côté de nous afin d'éviter le passage aux toilettes au niveau de la porte de sortie.
Faut savoir que dehors, il fait super froid. Le guide du groupe Alibert Trekking m'a dit qu'il faisait environ -5°C. Donc ça caille !
Une fois que nous sommes quasiment installés, le même italien vient me voir, m'annonçant qu'il vient d'avoir une brillante idée : déplacer la table de Nico vers la porte de sortie pour qu'on puisse ouvrir les fenêtres.
Nan mais ce mec est dingue !
Je lui dis clairement qu'il n'est pas question qu'on ouvre les fenêtres, il fait trop froid dehors. Ce n'est peut-être pas un souci pour lui qui est équipé d'un très gros duvet mais ce n'est pas notre cas.
Guigui et moi allons dormir tout habillés avec collant de nuit, T-shirt technique, bonnet et sous-gants dans nos draps de sacs que l'on met dans nos duvets. Quand le mec du lodge tâte nos duvet, il nous apporte une couverture supplémentaire. Nous avons trouvé ce geste vraiment gentil.
L'italien qui ne comprend ma réaction, pense qu'on va manquer d'oxygène tellement on est nombreux dans la pièce.
C'est vrai qu'on va dormir à 40 dans le réfectoire mais pas de panique, la pièce est quand même grande. On n'ouvrira pas les fenêtres, un point c'est tout !
Au fond de la salle, s'installent plusieurs népalais, un groupe de filles et des porteurs.
Les filles ont décidé de faire chier le monde en commandant à manger pile au moment où tous les trekkeurs se couchent. A croire qu'elles le font exprès...
Puis c'est le gros bordel ! Tout le groupe de népalais (aussi bien les filles que les mecs) font énormément de bruit et mettent plus d'une heure à installer leur couchage.
On en a tous raz le bol dans la salle car on aimerait bien dormir.
Nos "chut, chut" n'y changent rien mais quand je demande pour la énième fois à un mec du lodge d'éteindre la lumière, il s'exécute et il règne un silence dans la salle.
On s'endort vers 22h, mais pas pour longtemps car à minuit, le groupe de népalais se réveille et c'est à nouveau le gros bordel. Ils parlent entre eux comme s'ils étaient seuls dans la pièce. Ils rigolent, ils fument, ils ouvrent les fenêtres. Bref, nous n'avons jamais vu autant d'égoïsme. C'est presque pire qu'en Chine.
Mais le bazard sera de courte durée. A minuit et quart, le petit chef italien qui m'avait bien agacée se lève et pousse une gueulante.
Je l'aperçois dans l'obscurité, debout sur une table, en slip. Sur un ton ferme, il leur crie : "shut up ! All of you, shut up !" ("vos gueules ! Vous tous, fermez vos gueules ! ")
Bien que nous trouvons son arrogance insupportable, nous sommes bien contents qu'il leur ait demandé de se taire car après cette intervention, nous avons pu à nouveau dormir.
Encore une fois pas pour longtemps car les népalais se lèvent à 3h du matin et se préparent à partir pour le trek, évidemment dans l'agitation et en faisant le plus de bruit possible...
On essaie de dormir encore une petite heure avant que le réveil ne sonne.
21 octobre
Résumé de la journée
17km parcourus / 8h de marche
Vitesse moyenne de marche : 2,10km/h
Altitude de départ : 4450m à Thorong Phedi
Altitude d'arrivée : 3760m à Muktinath
Un col passé à 5416m
1000m de dénivelés positifs et 1600m de dénivelés négatifs
Aujourd'hui, ça fait 7 mois que l'on voyage, et pour fêter ça, on va se faire un col à 5400 mètres. On se lève à 4h du matin. On est crevé ! La nuit a vraiment été difficile, la pire depuis le début du trek.
On remballe nos affaires, on prend un petit déjeuner rapide et on part à 5h30 avec Nico, à la frontale, jusqu'au High Camp perché à 4800 mètres d'altitude. Il fait super froid ! Je me demande s'il fait pas plutôt -10°C...
Les premiers pas de la montée sont particulièrement difficiles. On a l'impression de manquer d'oxygène.
Mais au bout de quelques minutes on s'habitue et la montée se fait en 50 minutes, pauses photos comprises.
A ce propos, il faisait tellement froid que l'on a préféré ne pas sortir l'appareil photo trop souvent, de peur qu'il gèle...
On voit le jour se lever sur l'un des pics de l'Annapurna. Le spectacle nous laisse sans voix.
Nous arrivons au High Camp essoufflés mais sans maux de tête. En revanche, nous avons très froid, surtout moi. Je suis complètement gelée. On essaie de se réchauffer avec un thé au gingembre mais rien n'y fait, j'ai de plus en plus froid.
Seule solution, marcher et activer le sang. C'est à partir de là que la rando devient vraiment difficile.
Encore 600 mètres de dénivelés à faire pour atteindre ce fameux col. On se motive !
Les paysages sont splendides. On a beaucoup de chance car c'est notre plus belle journée depuis le début du trek. Le soleil brille, le ciel est d'un bleu intense et les montagnes si blanches !
Pour Guigui, la montée n'est pas si difficile. Il se sent vraiment en meilleure forme depuis qu'il a perdu du poids, comparé à notre trek autour du Mont Blanc. Il a aussi un sac beaucoup plus léger (seulement 15kg), ce qui joue beaucoup en sa faveur.
En revanche, pour moi c'est vraiment dur. Le sac me semble vraiment lourd et à cause du froid, j'ai du mal à respirer.
Quand je ne trouve plus d'oxygène... c'est la panique...ma respiration s'emballe et je pleure. Obligés de faire des pauses.
Je n'avais plus fait ce genre de crise d'angoisse depuis que j'ai arrêté mon travail de commerciale. Le manque de sommeil ajouté au froid, ça n'arrange rien...
En chemin, je bois beaucoup beaucoup d'eau pour éviter le mal des montagnes mais qui dit eau dit pipi. Nous faisons aussi beaucoup de pauses pour soulager ma petite vessie. Certains disent que tant qu'on pisse, on n'a pas le mal des montagnes, donc c'est bon signe.
Pauses abricots secs également pour faire le plein d'énergie.
C'est vers les 5100 mètres d'altitude que nous commençons à ressentir un léger mal de tête. On prend un doliprane pour ne pas qu'il s'aggrave et on repart.
Je traîne des pieds tellement je n'ai plus de force. Encore 300 mètres à monter, on ne lâche rien !
Le mal de tête est léger mais reste présent pendant toute la montée. Guigui s'en inquiète un peu et me demande en permanence si j'ai envie de vomir et d'évaluer mon mal de tête.
A priori je n'ai pas de nausées et je sais qu'en France, j'ai déjà eu plus mal que ça. Et puis, je veux continuer, pas question de redescendre.
Guigui, qui voit bien que je ne veux pas échouer sur cette étape, me répète en permanence que si je me sens mal, on peut redescendre et réessayer demain, que ce n'est pas un problème ni une compétition, qu'on fait la rando pour nous et pas pour les autres, qu'on n'a rien à prouver à qui que ce soit. Évidemment, butée et fière comme je suis, je refuse de redescendre. C'est à moi-même que je veux prouver que je peux relever ce défi.
Alors il me propose de porter mon sac pour me soulager le dos et les épaules mais il n'est pas question qu'il porte 12-13kg supplémentaires !
Cette étape est un défi personnel donc tant pis si j'en chie, je veux passer ce col à 5400m.
D'après les guides, il faut compter 4 à 6 heures pour monter jusqu'au col et faire ces 1000 mètres de dénivelés. Je suis tellement lente (on marche en moyenne à 1km/h) que l'on met 5h30 pour y arriver.
On y est ! Enfin ! 5416 mètres d'altitude. Il fait super froid, le vent est glacial.
Nous sommes la fois exténués, gelés, et heureux d'être là. Ce fut laborieux mais nous y sommes. Mes nerfs lâchent et je pleure de joie et de fatigue.
Au col, nous retrouvons Sylviane, une toulousaine habituée à ce trek. C'est la quatrième fois qu'elle le fait. Elle a 52 ans et est en super forme.
Sur le chemin de la montée, elle m'a à plusieurs reprises encouragée et donnée des morceaux de gingembre confits pour soulager mon mal de tête. Un petit bout de femme incroyable !
Heureusement la deuxième partie de la rando ne se fait qu'en descente, certes pas trop raide mais quand même bien fatigante pour les genoux car elle est interminable (1600 mètres de dénivelés à descendre) et par endroit le chemin est boueux.
On s'arrête en cours de route dans un lodge pour y manger un peu et boire un coca question de faire le plein d'énergie.
Sur qui on tombe dans le lodge ? Le groupe de népalaises, toujours aussi bruyantes !
Nous apprenons par la même occasion que ces pestes irrespectueuses sont montées au col à cheval et pas à pieds ! C'était bien la peine de nous réveiller toute la nuit...
Dans ce même lodge, nous retrouvons également Sylviane, avec qui nous poursuivons la rando jusqu'au village de Muktinath.
Elle est un peu barrée mais vraiment très sympa. Elle me dit qu'elle ressent de bonnes ondes entre Guigui et moi, qu'on fait un beau couple, un couple sain. Ce n'est pas moi qui vais la contredire...
On arrive à Muktinath à 16h30, LES-SI-VÉS !
La descente nous a plus fatigués que la montée finalement.
On se trouve une chambre au Bob Marley guesthouse, un lodge à la bonne ambiance où nous retrouvons nos trois étudiants.
Chambre un peu glauque et plus d'eau chaude au moment de prendre la douche mais personnel gentil, bonne cuisine, bonne musique.
A Muktinath, nous retrouvons également Barbara et Alex rencontrés lors de la randonnée au Iced Lake. On passe un bout de soirée avec eux et on se décide à faire la randonnée de demain ensemble.
Personnellement, j'ai vécu cette étape un peu comme un échec car je suis arrivée au col sans problème de santé (je n'ai pas été malade), mais j'aurais préféré la vivre plus facilement et en meilleure condition physique.
Mais bon quand je parle d'échec, je me fais enguirlander par Guigui et les autres trekkeurs qui me répètent que si je suis arrivée jusqu'au col, il s'agit bien d'une réussite.
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