Canada - Celui qui se baignait dans l'océan arctique
06 févr. 2019Jour 713 : samedi 14/07/2018
Après avoir nettoyé la voiture à Inuvik en cette fin de journée, nous reprenons la route et parcourons les 150 derniers kilomètres de la Dempster Highway menant à Tuktoyaktuk, petit hameau de 800 âmes situé dans les Territoires du nord-ouest, au 69° parallèle au bord de l'océan Arctique. Au bout de la route quoi !
Cette portion de route, nouvelle depuis l'automne 2017, soit depuis huit mois seulement, est beaucoup plus sablonneuse et molle que ce que nous avons parcouru jusqu’ici, et est assez difficile à conduire.
Nous roulons environ 35 kilomètres sur les 150 qui nous séparent de Tuktoyaktuk quand soudain nous avons une collision avec un bloc de sable dur.
Le choc fait beaucoup de bruit mais Guigui continue de conduire, pensant qu'il n'y a pas de casse.
Mais casse il y a. En effet, la direction assistée devient dure et on voit de la fumée sortir du capot et rentrer dans l'habitacle.
A priori, ce n'est pas bon signe…
Un p'tit coup d'œil sous la voiture et sous le capot : nous perdons du liquide mais ne savons pas lequel. Faut dire qu'on n'y connait rien en mécanique…
Guigui, un peu contrarié du fait que l'on soit au milieu de nulle part, me demande constamment si je reçois du réseau pour que l'on appelle un remorqueur.
Je sens monter son inquiétude alors j'interviens calmement.
“Ok mon cœur, pour commencer on va se détendre. Non je n’ai pas de réseau, on ne peut appeler personne, mais la voiture semble encore capable de rouler donc pas de panique, on va faire demi-tour et retourner tant bien que mal à Inuvik voir le garagiste qui nous a changé la batterie. Il n'y a que 35 km à parcourir, ça va le faire. Et si vraiment, on ne peut plus rouler, ce n'est pas grave. Il y aura quelqu'un qui passera sur cette route pour nous aider. La route est pas mal empruntée, bien plus qu'on le pensait. On a plein de bouffe et d'eau dans la voiture, bref, tout va bien aller mon cœur.”
Guigui se détend un peu et nous ramène tranquilou à Inuvik. Afin de le rassurer davantage, je lui fais remarquer que la voiture ne fume plus et que c'est plutôt bon signe.
Personnellement, je suis convaincue que ce n'est pas grand chose.
Je n'y connais rien en mécanique mais si c'est difficile de tourner le volant, c'est qu'on doit sûrement perdre le liquide de la direction assistée.
Effectivement, une fois de retour au Midnight garage d’Inuvik, le vieux mécano rencontré hier pour un changement de batterie nous confirme que le liquide rougeâtre que nous perdons est bel et bien celui de la direction assistée. Le tuyau qui le relie est troué et il faut donc le remplacer. La voiture fumait car le liquide a giclé sur le pot d'échappement.
Alors comme il est 18h, le garagiste s'en va souper après avoir diagnostiqué la voiture et revient trois quart d'heure après nous la réparer. Trente minutes et cent dollars plus tard, nous voilà repartis pour un second départ sur la route qui mène à l'océan arctique.
La route est longue mais vraiment belle .
Le paysage change d'aspect à mesure que l'on se rapproche de l'océan. Beaucoup plus de lacs, des cours d'eau à perte de vue et une végétation extrêmement verte.
22h10, nous arrivons enfin à Tuktoyaktuk, le soleil toujours bien lumineux dans le ciel.
Nous traversons le village pour rejoindre nos copains Jérémie et Muriel sur le front de mer, et là, c'est la déception !
Cette belle place où observer la mer de Beaufort qui se jette dans l'océan arctique est envahie de campeurs et caravanes. On se croirait presque au camping municipal, pour ne pas dire “Les Flots Bleus”. Quelle horreur !
Muriel et Jérémie, présents dans le hameau depuis une semaine et que nous retrouvons parmi tous ces campeurs, ont eu l'occasion de discuter avec les habitants du hameau, et voici ce qui ressort de ces discussions.
Une première moitié de la population est très heureuse de cette nouvelle route qui donne à leur village un accès vers l'extérieur car, jusqu'à l'automne dernier, Tuktoyaktuk était totalement isolé et accessible uniquement en hiver par une route de glace.
Ces gens sont contents d'accueillir aujourd'hui des visiteurs.
En revanche, une autre moitié de la population, qui avait pour habitude de passer des soirées sur cette place du front de mer à observer l'océan sous le soleil de minuit, ne voit pas d'un bon œil ce changement car désormais, les touristes envahissent l'unique place de repos des habitants.
Et franchement, nous les comprenons et, de constater que nous faisons partie de ces touristes envahissants nous met franchement mal à l'aise.
Visiblement, pour ce premier été accueillant des visiteurs extérieurs, le village n'a pas vraiment bien géré l'hébergement en camping.
Espérons qu'ils s'arrangent mieux que ça les prochaines années autrement nous ne sommes pas certains que cette nouvelle route fasse du bien à la communauté. Déjà que l'alcool et la drogue a fait beaucoup de mal à ce peuple autochtone… C'est d'ailleurs une bonne chose que le village de Tuktoyaktuk ait interdit la vente d'alcool au sein même de la commune.
Jour 714 à 715 : dimanche 15 et lundi 16/07/2018
Durant notre séjour à Tuktoyaktuk, nous vivons les jours polaires, ces fameuses journées où le soleil n'en finit pas de briller.
En cette mi-juillet, le soleil ne se couche pas vraiment au 69° parallèle.
À 2h57 du matin précisément, nous le voyons au plus bas, suivant l'horizon pendant près d'une heure avant de se lever à nouveau.
Cette lumière constante est à la fois extraordinaire et perturbante. Nous restons ébahis devant la beauté de l'océan arctique baigné dans la lumière du soir, si bien que nous ne dormons jamais avant 4h du matin (la raison nous y obligeant) et nous réveillons généralement vers midi.
Un rythme totalement chamboulé certes mais une expérience hors du commun, ça c'est certain .
En sachant cette mer gelée en hiver, pour ne pas dire une bonne partie de l'année (de novembre à juin), et que le soleil ne se lève presque pas pendant une longue période, cela nous donnerait presque envie de revenir dans cette contrée du Grand Nord à la saison froide pour y découvrir ce paysage en noir et blanc.
Lors de ce séjour à Tuktoyaktuk, nous expérimentons également la baignade dans l'océan arctique qui, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'est pas si froid. Enfin tout est relatif. L'eau est quand même froide (il y a un mois elle était encore totalement gelée) mais pas plus froide que certains lacs ou rivières du Yukon.
Et chose extraordinaire, l'océan n'est pas salé ! La couche de glace qui le recouvre en hiver est tellement épaisse qu'à la fonte, l'eau douce reste en surface, pour notre plus grand bonheur .
Nous y faisons notre toilette.
Nous nous promenons également dans le village, que nous trouvons bien moins charmant que les villages de pêcheurs que nous avons visités dans l'est canadien comme à Terre-Neuve par exemple, mais qui reste toujours plus mignon que la ville d'Inuvik.
Ici, les sols souffrent beaucoup du pergélisol, ce gel situé dans les profondeurs des terres et qui fond à chaque été, faisant bouger la surface des sols.
Difficile pour les habitants de construire des fondations solides pour leurs maisons, c'est pourquoi ils bâtissent sur pilotis.
Le réchauffement climatique que nous connaissons actuellement pourrait avoir des conséquences désastreuses pour ces populations reculées du Grand Nord et pour la population mondiale en général.
En effet, sous cette terre gelée, reposent des carcasses de mammouths du temps de l'ère glaciaire. Si ces carcasses voient le jour, elles dégageront quantité de CO2 et de méthane, polluant encore davantage l'air que nous respirons. Et comme nous détruisons nos forêts pour cultiver de la nourriture toxique, nous ne pourrons même plus compter sur elles pour nous apporter l'oxygène dont nous avons besoin...
En promenade, nous rencontrons un vieux monsieur autochtone en train de faire sécher sa viande de béluga, source principale de nourriture dans ce village, avec le gibier et les oies.
Nous trouvons également très jolies ces petites fleurs en forme de pompon de coton.
Avec une si belle météo, nous serions tentés de flemmarder sur la plage et contempler pendant des heures l'horizon sur l'océan situé le plus au nord.
Mais nous n'en faisons rien car nous sommes envahis par les moustiques. Ces minuscules vampires réussissent à nous pourrir la vie, si bien que nous investissons dans des moustiquaires de tête.
On a franchement l'air con avec ça sur la tête mais au moins, elles nous permettent de sortir un peu de notre van et d'aller nous promener sans nous faire attaquer.
Lors de notre troisième et dernière journée au village arctique, nous apprécions beaucoup le vent qui s'est levé et a chassé tous les moustiques. Il nous permet de mieux profiter de la balade jusqu'à la colline qui nous offre une vue panoramique sur le village.
Un peu avant de quitter le village, nous célébrons les 75 ans d'un habitant autochtone, en compagnie de tous les habitants du village ainsi que des campeurs présents sur le front de mer.
Les visages de ces autochtones nous fascinent et nous rappellent ceux que nous avions rencontrés lors de nos voyages en Asie, notamment en Mongolie.
J'essaie tant bien que mal de discuter avec quelques locaux que nous pensions jusqu'alors inexistants, n'ayant vu personne dans les rues des trois jours passés ici. L’anglais sortant des bouches sans dents (comprendre les personnes âgées) m'est très difficile à comprendre .
A 19h30 en ce lundi 16 juillet, nous quittons Tuktoyaktuk et reprenons la route pour Inuvik.
Nous avons beaucoup aimé effectuer la route qui mène à ce village situé au bord de l'océan arctique. Elle est tout simplement sensationnelle.
Nous avons beaucoup aimé connaître le jour polaire et le soleil de minuit. C'est réellement une expérience incroyable.
En revanche, nous n'avons pas trop aimé l'ambiance du village.
A part les touristes envahissants du front de mer avec leur camping-car, nous n'avons eu du mal à rencontrer des locaux avec qui discuter. A certains moments, nous nous sommes même sentis tels des colons venus envahir l'Arctique.
L'expérience reste toutefois mémorable.
L'est-elle tout autant en hiver ? Seul l'avenir nous le dira...ou pas .
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